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POUR UN INSTANT DE VERITE

Baltimore 911 - tome 3

Chapitre 1

 

Ryan ouvrit un œil et regarda sa montre, dont les aiguilles fluorescentes indiquaient 5h20. Par la porte de la chambre, restée ouverte, il vit le salon en désordre. Après la fête de la veille, il n’avait pas eu le temps de ranger. En fait, il avait eu beaucoup mieux à faire, songea-t-il en resserrant ses bras autour du corps doux et souple lové contre lui. Son désir se ralluma, et il ne vit aucune raison de résister à la tentation.

 

***

 

Lisa flottait dans les brumes d’un sommeil épais quand une sonnerie stridente heurta ses tympans. Elle eut conscience d’un frisson parcourant sa peau au moment où la couverture glissa, et du son d’une voix masculine qui intrigua la part à peine éveillée d’elle-même.

    — Wyndham ! grogna la voix.

Wyndham… Ryan Wyndham ? Son voisin ? Lisa tenta en vain d’ouvrir les yeux.

    — Je ne suis pas de service ! l’entendit-elle râler.

Un soupir précéda un « J’arrive ! » grognon.

Lisa essaya une nouvelle fois de soulever ses paupières, sans résultat. Elle était tellement fatiguée ! Elle sentit le matelas bouger sous elle et la couette vint la recouvrir entièrement. Nichée dans ce cocon de chaleur, elle eut bien l’impression d’entendre des bruits pas très loin d’elle – de l’eau, peut-être ? – mais, malgré ses efforts, elle s’enfonça de nouveau dans le sommeil.

Un moment plus tard, une main ferme la secoua doucement par l’épaule, l’obligeant à émerger.

    — Je dois partir, mais prends ton temps, murmura une voix grave et sensuelle près de son oreille. Tu n’auras qu’à tirer la porte derrière toi. 

Incapable de sortir de sa léthargie, Lisa sentit un baiser se poser sur son front et une caresse dans ses cheveux. La jeune femme se rendormit instantanément en pensant :« Je rêve ».

La porte se ferma et ce fut comme un déclic ; sa conscience se réveilla. Lisa se redressa vivement. On était lundi, elle devait aller travailler ! Elle regarda, effarée, la couette anthracite qu’elle cramponnait. Elle n’avait pas de couette, elle n’avait jamais eu de couette sur son lit, elle n’était pas dans son lit ! Elle n’était même pas dans son appartement… Elle était totalement nue, dans le lit de Ryan Wyndham ! Ryan le fêtard ! Ryan, son casse-pied de voisin du rez-de-chaussée !

Lisa serra les dents et s’obligea à réfléchir, à se rappeler, malgré son début de migraine. Les souvenirs du week-end remontèrent lentement en un kaléidoscope coloré et… un peu trop alcoolisé.

Tout avait dérapé à cause de sa dispute avec Kevin, son petit ami.

    — Ex-petit ami, se corrigea-t-elle à haute voix.

Vendredi, son directeur lui avait annoncé qu’elle était nommée au poste de responsable adjointe de l’actuariat, de la société d’assurance qui l’employait, la promotion qu’elle espérait depuis des semaines. Elle aurait aimé appeler ses parents en premier pour leur annoncer la grande nouvelle, mais ils étaient en croisière toute la semaine… Elle avait alors appelé Kevin, et son enthousiasme avait été douché net. Monsieur était trop occupé pour fêter l’événement. Il lui avait royalement proposé de l’inviter au restaurant, mais pas avant dimanche midi ! Déçue, elle avait malgré tout accepté, sans oser lui demander ce qui le retenait.

Puis elle avait téléphoné à KC, sa meilleure amie depuis le collège. Un peu plus âgée que Lisa, KC – qui détestait son prénom de Katherine-Cecily, et n’acceptait de répondre qu’à son diminutif – la poussait sans cesse à vaincre sa timidité et à oser les activités de son âge. La jeune femme avait sauté de joie à l’annonce de la bonne nouvelle, et décrété un samedi shopping, coiffeur, manucure. Comme toujours, elles s’étaient follement amusées toutes les deux.

Le dimanche midi, Kevin était venu chercher Lisa… en retard, comme souvent. Au lieu du restaurant promis, ils avaient atterri devant un hamburger-frites dans à fast-food de Rosedale, dans la banlieue nord de Baltimore, tout près de l’autoroute. Elle avait eu beaucoup de mal à cacher sa déception. Totalement inconscient de son état d’esprit, Kevin avait monopolisé la conversation, se montrant brillant et futile, comme toujours.

Quand il s’était lancé à bâtir de grands projets sur son nouveau salaire à elle : une grande maison dans les beaux quartiers, des voyages lointains, une nouvelle voiture – pour lui –, des costumes de grandes marques – toujours pour lui –, Lisa avait enfin identifié le malaise qu’elle ressentait depuis un certain temps en présence de son petit ami. À cet instant précis, elle avait eu une révélation.

Le beau Kevin, le chouchou du rotary-club que fréquentaient ses parents, qui l’avait éblouie par son physique, sa prestance, son bagou qui ne cessait de lui répéter qu’une fille banale comme elle était chanceuse qu’un homme tel que lui l’ait remarquée, était toujours entre deux emplois, deux « super plans ». En fait, il lui devait déjà pas mal d’argent alors qu’ils ne se connaissaient que depuis quelques mois.

Lisa s’était sentie très mal. Comment avait-elle pu se tromper à ce point sur lui ? Croire qu’il pouvait être le prince charmant de ses rêves ? Il s’était servi d’elle, mais aussi des relations de ses parents… À cet instant, elle avait eu la certitude qu’il n’avait jamais éprouvé la moindre affection pour elle. Il la considérait sans doute même comme une fille naïve et friquée, facile à manipuler… Dépitée, elle avait insisté pour rentrer.

    — Je te ramène, avait-il décrété alors qu’elle aurait préféré prendre un taxi.

Lisa avait cédé pour se débarrasser de lui le plus vite possible, pour pouvoir se réfugier chez elle et réfléchir au calme. Faire le point sur sa vie et ce qu’elle désirait réellement faire de son avenir – sans lui.

À mi-chemin, Kevin avait soudain garé sa rutilante voiture de sport dans une allée déserte.

    — On va fêter notre nouvelle vie, avait-il annoncé en l’attirant à lui, l’embrassant de force.

Lisa s’était débattue, sidérée qu’il ose se conduire ainsi.

    — Oh, arrête de faire ta mijaurée ! Ça va te plaire, s’était-il exclamé avec colère face à sa résistance, tout en essayant de remonter sa jupe.

Elle avait finalement réussi à ouvrir la portière et s’était enfuie en courant, se réfugiant dans le magasin le plus proche.

    — Tu reviendras me supplier ! avait-il hurlé en faisant claquer la portière avant de démarrer sur les chapeaux de roues.

Arrivée à son appartement, elle s’était jetée sur son lit en pleurant, sanglotant sur sa propre stupidité, son manque de clairvoyance…

Des cris, des sifflements et des injures provenant de l’étage inférieur avaient progressivement franchi la barrière de son désespoir.

Se redressant d’un bond, Lisa avait pesté. Elle avait choisi cette petite résidence d’un étage pour son grand patio arboré, sa situation dans un quartier élégant et calme, et pour son apparente tranquillité. Elle ne savait pas alors que les murs étaient en papier et que son voisin du dessous alternait longues absences et méga fiestas !

Le premier soir, excédée, elle avait appelé la police. Les officiers l’avaient sermonnée pour son intolérance… Leur collègue avait bien le droit de s’amuser un peu. Elle avait appris à cette occasion que Ryan Wyndham était flic : lieutenant à la brigade criminelle.

Depuis, soit elle prenait son mal en patience, soit elle allait frapper à sa porte pour protester ; elle soupçonnait d’ailleurs Ryan de prendre un malin plaisir à la faire enrager. Ce malotru ne manquait jamais une occasion de la provoquer. Il avait même osé plusieurs fois l’inviter à ses soirées. En tout cas, à cause de lui, depuis trois mois, elle passait la plupart de ses week-ends chez ses parents au lieu de profiter de son nouvel appartement.

Consciente que ses yeux gonflés et son nez rougi n’échapperaient pas à son voisin, Lisa était tout de même descendue pour lui dire sa façon de penser. Quand la porte s’était ouverte sur un Ryan goguenard, elle avait vu derrière lui une demi-douzaine d’individus vautrés dans le salon, devant l’écran géant.

    — Est-ce que vous pourriez baisser le son, lieutenant ?

Il avait arqué un sourcil moqueur au-dessus de son regard vert clair.

    — C’est la finale du Super Bowl. Une institution nationale. Vous ne pouvez pas me demander ça, ma belle ! Une bière ? avait-il proposé d’une voix provocatrice en lui tendant sa bouteille.

Lisa détestait le foot, détestait la bière, mais ce soir-là, elle détestait plus encore son aveuglement qui avait fait d’elle la victime d’un homme intéressé par sa position sociale. Relevant le défi, elle avait pris la bouteille qu’il lui tendait et était entrée d’un pas conquérant en territoire ennemi, sous le regard pour le moins étonné du maître des lieux.

La série :

"Pour un instant"

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