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PARI ENTRE AMIS

"Le Pari" tome 1

Chapitre 1

 

  Josh releva la tête avec une grimace, la nuque douloureuse. Il s’étira, faisant jouer ses vertèbres et rouler ses épaules, pour tenter de dissiper ses crampes. Il adorait travailler sur ces pièces minuscules, mais ses yeux finissaient par se fatiguer – même en utilisant une puissante loupe. Le jeune homme s’étira une nouvelle fois, bâilla et se leva de son tabouret, dépliant sa longue carcasse tout en ébouriffant d’une main sa tignasse noire.

  Ce matin, il n’avait pas envie de s’attaquer à la pièce plus grande qui trônait, depuis un bon moment, à l’autre bout de son établi. Il reculait depuis des semaines le moment de s’y remettre.

Jetant un coup d’œil à sa montre, il constata qu’il n’était pas encore dix heures. Il était debout depuis quatre heures du matin, et il avait besoin d’une pause. Il l’avait bien méritée ! C’était l’intérêt d’être son propre patron : aucune autorisation à demander ! Il faisait beau, il avait envie d’aller courir pour se défouler de son trop-plein d’énergie.

  Après avoir rangé ses outils et nettoyé son établi, Josh éteignit les lampes de l’atelier qui était autrefois celui de son grand-père et monta quatre à quatre les escaliers vers sa chambre, deux étages plus haut.

  Il dévalait les marches en fixant son mini iPod à son tee-shirt quand il entendit la porte arrière de la maison s’ouvrir. Il bifurqua et entra dans la cuisine.

  — Déjà de retour ?

  — Oui, il n’y avait pas trop de monde au supermarché. Tu vas faire ton jogging ? demanda sa grand-mère, qui vidait ses sacs sur la table.

  — Oui. Ne m’attends pas pour déjeuner. Je vais faire le tour complet du lac, répondit-il en l’embrassant sur le front.

  Josh mit ses écouteurs et partit en petite foulée. Il choisit de la musique latino : il avait besoin d’un rythme entraînant, en phase avec son humeur.

  Arrivé au carrefour, il bifurqua sur la droite, s’engageant dans l’immense parc qui entourait le lac Merced. En quelques foulées, il quitta la zone où se trouvait la maison familiale. Un hasard ou une erreur du cadastre avait inclus sa rue, bordée de petites maisons modestes, dans le très chic quartier de Merced Heights où se trouvait l’Université mais aussi le très réputé San Francisco Golf club. D’où le privilège d’avoir fait ses études dans un lycée où des enfants d’ouvriers ou d’employés comme lui n’auraient jamais dû mettre les pieds.

  Passant devant les belles villas sans les voir, il réfléchit aux événements qui avaient récemment bouleversé sa vie.

  Après le décès brutal de son grand-père d’un infarctus, l’année précédente, il était revenu vivre avec sa grand-mère. Elle avait eu besoin de son soutien, car il était sa seule famille. Depuis quelque temps, il avait remarqué qu’elle avait retrouvé son punch habituel et repris ses activités, preuve que le plus difficile du travail de deuil était accompli. Quand il lui avait annoncé son intention de déménager, elle en avait été un peu attristée, mais avait accepté sa décision. À vingt-six ans, il avait besoin de retrouver son indépendance.

À mi-parcours, il passa au pied de la villa des parents d’Ashley Leister, une bâtisse ancienne aux proportions harmonieuses. Ce n’était pas la plus imposante ni la plus grande du quartier, mais sans doute l’une des plus belles.

  Josh et Ashley avaient fréquenté le même lycée, mais il n’avait plus de nouvelles de la jeune fille depuis huit ans. Et c’était entièrement sa faute. Il n’avait jamais répondu à ses appels téléphoniques, ni aux lettres qu’elle lui avait adressées pendant plus d’un an après qu’il eut quitté l’établissement. Il pensait encore à elle, de temps en temps, comme aujourd’hui, et se demandait ce qu’elle était devenue. Parfois, il s’interrogeait : les sentiments qu’il avait éprouvés pour sa camarade de classe n’avaient-ils été qu’une toquade, ou auraient-ils pu être durables ?

  Enfin, encore aurait-il fallu qu’ils soient réciproques, ironisa-t-il. Qu’elle ne m’éjecte pas en découvrant que ce pauvre nul de Joshua Forester en pinçait pour elle.

  D’ailleurs, était-ce des sentiments ou une tentative désespérée de son inconscient pour en ressentir, le tout associé à une fixation pour la seule fille qui, à cette époque, avait remarqué son existence ?

  Excellente question, docteur Freud !

  La seule chose dont il était certain, c’est qu’aucune des nombreuses femmes qu’il avait fréquentées depuis n’avait compté autant pour lui que cette gamine de quinze ans.

  À ce moment, il croisa un groupe de joggeuses et se fit joyeusement siffler. Josh se retourna, leur adressa un sourire canaille, quelques boniments et reprit son chemin à longues foulées, les oubliant aussitôt.

 

***

 

  Au même instant, Ashley se tenait appuyée contre le montant de la fenêtre du grand salon de la maison familiale, elle admirait le reflet scintillant du soleil sur l’eau du lac. Cette vue lui manquait depuis qu’elle avait quitté San Francisco pour entamer des études supérieures à l’Université de Chicago. Ensuite, pour son doctorat en mathématiques, elle s’était installée à New York où elle avait depuis décroché le job de ses rêves. La vie à Big Apple était trépidante, passionnante : ce n’est que quand elle revenait chez ses parents, pour Noël et les vacances d’été, qu’elle se rendait compte à quel point le calme de son quartier lui manquaient.

  La jeune femme soupira, passa une main lasse dans ses cheveux châtain foncé, coupé en carré long. Elle était heureuse d’être là, même si elle aurait préféré revenir chez elle pour ses congés, comme les autres années, et pas à cause des évènements de la veille…

  Immobile, elle regardait avec envie tous ces gens qui profitaient de leur samedi pour se promener : le vieux monsieur avec son chien, le jeune couple main dans la main, la dame qui donnait du pain aux oiseaux, la maman avec sa poussette… et même le groupe de joggeuses, elle qui détestait courir. Quand la joyeuse bande de filles siffla l’homme qui venait en sens inverse, elle envia leur jeunesse, leur insouciance.

  Il s’était retourné. Sans doute plaisantait-il avec elles. Ashley eut la soudaine et violente impression d’être vieille, amère, triste. Elle serra les dents pour contenir la nausée, l’écœurement qui menaçaient de la submerger et de se transformer en colère dévastatrice.

  — Tu es sûre que ça va, ma chérie ? demanda sa mère en entrant dans le salon avec les verres d’orangeade qu’elle était partie chercher à la cuisine.

  Surprise, la jeune femme se força à plaquer un sourire sur son visage avant de pivoter vers elle. Son retour en catastrophe avait suffisamment perturbé ses parents pour qu’elle ne leur inflige pas, de surcroît, un visage larmoyant et dépressif.

  — Bien sûr, maman. Je suis juste un peu fatiguée par le voyage et le décalage horaire.

  — Tu n’es pas obligée de te montrer si forte, surtout devant moi, tenta Rachel pour amorcer un dialogue que sa fille refusait depuis son arrivée, en début de matinée.

  — Je ne suis pas la première à qui ce genre de choses arrive ! répondit Ashley avec une apparence de philosophie résignée, tout en haussant les épaules pour masquer sa colère. J’ai appelé Stacy. Elle m’a proposé d’aller au Jimmy’s ce soir pour boire un verre, décompresser. Ne t’en fais pas pour moi, ça ira.

  — Si tu en es certaine… Et puis, si Stacy est toujours aussi bavarde, je ne doute pas qu’elle arrivera à te changer les idées !

  Ashley sourit – un vrai sourire, cette fois – avant d’avaler une gorgée rafraîchissante. Reprendre contact avec ses amis d’enfance lui ferait le plus grand bien.

  Heureusement pour elle que tout ce… bazar était arrivé début juillet, pendant les vacances. En tant que professeur à l’Université de New York, elle avait jusqu’à la rentrée pour s’en remettre et réussir à repartir sur de nouvelles bases.

  Elle avait bien fait de rentrer à la maison…

 

***

 

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