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NICK & SARA : ENFER

TOME 1

Saison 1

Chapitre 1

 

Dans un éclat de rire, les deux jeunes filles se laissèrent tomber sur leurs sièges. Elles avaient remonté la passerelle en courant et en chahutant, ce qu’elles n’auraient jamais osé faire en présence de leurs parents. Elles avaient eu  l’air de deux folles !

À les voir si semblables, si complices, on aurait pu les prendre pour des sœurs. Luxueusement vêtues, elles se ressemblaient étonnamment pour des cousines, avaient la même taille, les yeux clairs et cette allure typique des américaines issues des familles riches des grandes villes de l’Est, aux dents blanches et parfaitement alignées – grâce à un coûteux traitement orthodontique. Si Nell avait les cheveux foncés, coupés au carré, Sara-Jane était une véritable blonde, comme l’étaient ses ancêtres, ces nobles anglais dont sa mère était si fière. Sa chevelure lisse, épaisse et longue lui attirait de nombreux compliments.

— Nous y sommes. C’est gagné ! s’exclama-t-elle.

— J’imagine déjà la tête outrée de ta mère si elle découvre que ton père t’a autorisée à aller passer le spring break à Cancún ! pouffa Nell.

Attachant sa ceinture, Sara-Jane sourit à sa cousine pour masquer sa nervosité. Pour échapper à l’étouffante surveillance maternelle, ils avaient dû jouer serré. Son père avait prétendu qu’elles partaient toutes les deux en Floride, dans un camp d’été. Il avait été obligé de mettre dans la confidence leur service de sécurité. Les hommes en noir – les men in black comme disait Nell – n’avaient d’ailleurs pas apprécié de devoir participer malgré eux à leurs cachotteries familiales.

En revanche, la mère de Nell, Susan, avait été très amusée à l’idée de mener en bateau cette belle-sœur un peu trop moralisatrice avec qui elle ne s’était jamais très bien entendue.

— D’un autre côté, vous auriez dû lui en parler, dit soudain sa cousine après s’être attachée. Tante Anabeth aurait peut-être compris qu’elle doit te lâcher les basques ! Nous avons dix-huit ans, presque dix-neuf, zut ! Enfin, c’est fait. Nous y sommes. Regarde, on part.

La porte de l’avion venait d’être fermée, et le personnel entamait le protocole de sécurité pour le décollage. Quelques minutes plus tard, l’appareil prit de la vitesse, et les roues quittèrent le tarmac gelé de l’aéroport de Philadelphie. Sara-Jane se dit que sa mère pourrait découvrir le pot aux roses et piquer une crise : plus personne ne pourrait les arrêter maintenant.

Bien installée en première classe, la jeune fille eut un petit pincement de gêne en songeant à ses gardes du corps, une fois de plus condamnés à la classe économique. Mais, toute à la joie de ce voyage tant attendu, elle chassa vite Henry et Jack de ses pensées.

Les cousines prirent leurs aises dans les profonds fauteuils en cuir tout en continuant à plaisanter et à glousser comme les deux gamines insouciantes et privilégiées qu’elles étaient. Elles réalisaient leur rêve : pour échapper à cet hiver qui n’en finissait pas et profiter de leurs vacances, elles volaient en direction du soleil, des plages de sable fin et des températures tropicales.

— Ça m’ennuie que papa m’ait obligé à emmener Henry et Jack, avoua Sara-Jane. Un seul aurait suffi.

— Il faut toujours que les parents exagèrent ! répondit sentencieusement Nell, qui pourtant bénéficiait d’une liberté exceptionnelle. T’infliger des gardes du corps alors que nous sommes censées aller faire la fête avec les copains, faut pas pousser quand même ! Enfin, je suis sûre que nous pourrons les semer avec l’aide de Juan.

Juan Ortega était le « grand amour » de Nell, un étudiant mexicain rencontré à l’université quelques mois auparavant. Il devait les rejoindre à Cancún. Ils avaient ensuite prévu de partir tous les trois pour le Sud de la péninsule, passer quelques jours dans la magnifique villa de la famille du jeune homme.

Sara-Jane n’avait rien dit de ce projet à son père : il s’y serait farouchement opposé. Il aurait sans doute prétexté, avec mauvaise foi, que les gardes du corps pouvaient facilement la protéger dans un club de vacances, mais pas chez des particuliers dont les services secrets n’auraient pas eu le temps d’éplucher la vie sur les trois dernières générations…

La jeune fille, envieuse de la liberté de Nell, avait décidé de s’affranchir pour la première fois de toute autorisation parentale et d’accepter l’invitation. Semer les deux hommes qui la surveillait ne devait pas être si compliqué, s’était-elle dit.

— Mon père va me punir au retour, il risque de me confisquer ma voiture…

— Ta si belle voiture neuve, mon Dieu ! Comment pourrais-tu t’en passer ? la chambra Nell avant de soupirer. Bon sang ! Tu es majeure. Rebiffe-toi un peu, arrête de laisser tes parents tout décider à ta place.

Sara-Jane ne riposta pas, honteuse. Sa cousine avait raison, elle avait toujours été trop gentille, trop malléable. Elle n’avait rien d’une rebelle. Une vraie petite fille modèle.

Elles se turent un moment, attendant que l’hôtesse dépose les plateaux-repas sur leurs tablettes.

— Je peux comprendre que papa s’angoisse. C’est à cause de son travail, finit par dire Sara-Jane, qui ne pouvait s’empêcher de chercher des excuses à ses parents.

— C’est vrai que tout le monde n’a pas la chance d’être la fille unique, chérie et adorée du sénateur Richard Delaney ! ricana Nell, qui savait à quel point sa cousine avait horreur qu’on lui rappelle sa situation de privilégiée.

L’hôtesse de l’air les interrompit une nouvelle fois pour leur offrir un rafraîchissement.

— Champagne ! s’exclama Nell.

— Je crains que vous ne soyez un peu jeune, mademoiselle. Nous ne servons pas d’alcool aux passagers de moins de vingt et un ans. Ne souhaitez-vous pas plutôt un soda ?

— Va pour un soda.

La jeune fille attendit que l’employée de la compagnie aérienne s’éloigne avec son chariot pour lui tirer la langue. Elle se pencha ensuite vers Sara-Jane.

— Nous nous rattraperons à Cancún !

— Tu es sûre que c’est vraiment une bonne idée ? s’inquiéta une fois de plus la jolie blonde. Nous ne courons aucun risque ?

— Écoute, le Mexique ce n’est plus le Far West. Les gens là-bas sont civilisés. En plus, nous serons logées par la famille de Juan dans une belle villa avec piscine à deux pas de la mer et d’une plage de sable blanc. J’ai vu les photos, c’est le paradis sur terre !

Sara-Jane se força à sourire. Assise au calme dans cet avion qui volait cap au sud, elle était à nouveau prise de doutes, et aussi de quelques remords. C’était la première fois qu’elle mentait à sa mère – même si elle était couverte par son père – et, surtout, la première fois qu’elle mentait à son père. Elle allait désobéir aux sacro-saintes règles de sécurité qui avaient toujours régi sa vie. Elle ne se souvenait pas être jamais partie en voyage sans gardes du corps depuis que Richard Delaney s’était lancé dans la politique et avait été élu au Sénat.

J’ai presque dix-neuf ans. Il était temps que je m’émancipe, essaya-t-elle à nouveau de se convaincre.

Elle se tourna vers le hublot et observa le ciel chargé de gros nuages noirs.

— Arrête de te stresser ! dit Nell. Imagine ce que tu aurais ressenti si tante Anabeth avait débarqué à Cancún devant tous nos potes, comme l’année passée.

— Oh, Seigneur ! Ne me parle pas de malheur.

Sara-Jane se cacha les yeux dans un geste mélodramatique. Aux dernières vacances, sa mère avait surgi en plein milieu de son stage équestre dans le Montana, sous prétexte qu’elle n’avait pas répondu à ses appels de la matinée. Il ne lui était pas venu à l’esprit que, dans les montagnes, sa fille était tout simplement hors réseau. Pire : Anabeth Delaney n’était pas arrivée en voiture comme une maman normale, mais en hélicoptère, avec quatre hommes d’escorte armés ! La jeune fille avait éprouvé la honte de sa vie face aux autres membres du groupe. Elle n’avait même pas osé rester pour terminer la semaine avec Nell et était rentrée directement à la maison. Ce jour-là, elle s’était mise en colère. Elle avait pleuré, crié et n’avait plus adressé la parole à sa mère pendant presque un mois.

Sara-Jane se sentait étouffer par cet amour envahissant, par cette mère qui voulait tout savoir, tout contrôler de ses journées dans le but de la protéger d’hypothétiques dangers. Celle-ci avait même réussi l’exploit de faire fuir son seul véritable petit ami !

Quelques baisers, une première fois un peu bâclée dont elle avait eu vent, et Anabeth Delaney s’était présentée chez les parents du garçon accompagnée de ses avocats. Une menace de plainte pour détournement de mineure plus tard, son copain l’avait quittée. Sara-Jane avait eu envie de se rebeller tant sa colère contre sa mère était grande. Anabeth avait eu beau lui expliquer que c’était mieux pour elle, que son petit ami n’était pas de leur monde, qu’il ne pouvait pas lui convenir, cela n’avait pas apaisé sa rancœur. Sara-Jane avait hurlé, tempêté, toujours sans succès.

Elle avait trouvé dans le projet de Nell une sorte de vengeance, une manière de s’émanciper. Elle était surtout fière de la façon dont elle avait coincé sa mère – même si son mensonge la culpabilisait. Elle lui avait demandé de promettre sur l’honneur de leur famille et de leurs ancêtres qu’elle n’essaierait pas de la joindre durant toute la semaine. Sara-Jane avait assorti cette requête d’une subtile menace : celle de quitter la maison et d’aller vivre dans une sororité universitaire à la rentrée si Anabeth ne se pliait pas à ses exigences et contrevenait à sa parole. Sa mère avait capitulé, de mauvaise grâce, et Sara-Jane avait ressenti un frisson de liberté.

La jeune fille avait la sensation que cette folle escapade lui apporterait une bouffée d’oxygène salvatrice et lui permettrait de devenir un peu plus adulte… sans pouvoir s’empêcher de s’inquiéter de sa témérité.

 

***

 

Six heures plus tard, le soleil brillait dans un ciel sans nuage, et une chaleur brûlante enveloppa les deux cousines dès leur descente d’avion. Elles s’empressèrent de se débarrasser de leur pull ; le thermomètre devait flirter avec les trente degrés en ce début mars.

Comme promis, Juan les attendait à l’aéroport, et Nell se jeta dans ses bras. Les gardes du corps de Sara-Jane la pressèrent de questions au sujet de la présence de ce jeune homme, dont ils n’avaient pas été informés. Elle était certaine qu’ils feraient un rapport le soir même à son père. Il fallait absolument qu’elle arrive à les convaincre de se taire. Pendant ce temps, les deux amants roucoulaient :

— Tu m’as tellement manqué !

— Toi aussi, mi querida.

Ils s’embrassèrent avec un peu trop de passion sous le regard scandalisé de beaucoup de personnes présentes dans l’aérogare.

Sara-Jane, impatiente, ne put s’empêcher de taper du pied. Juan Ortega était le dernier petit ami en date de Nell. À l’entendre, c’était « le grand amour de sa vie ». Cette fois, sa cousine en était certaine. Avec une ironie qu’elle se reprochait, Sara-Jane avait compté que c’était le troisième « homme de sa vie » que Nell lui présentait en deux ans.

Le jeune Mexicain fréquentait la même université qu’elles à Philadelphie, mais il était inscrit aux cours de sciences politiques alors que Nell suivait un cursus en management et que Sara-Jane se consacrait à l’histoire de l’art. Il venait d’une famille très aisée, et s’il était plutôt beau garçon, dans le style latino – « chevelure d’ébène d’une douceur de soie et des yeux couleur obsidienne », comme le clamait Nell avec un lyrisme excessif –, bien élevé et cultivé, Sara-Jane ne l’aimait pas trop, sans vraiment savoir pourquoi.

— Mi querida. Amor de mi vida… susurrait-il tout en continuant d’embrasser goulûment Nell.

Son chauffeur s’était occupé de récupérer les valises des deux jeunes femmes et les chargeait dans une luxueuse Mercedes noire aux vitres teintées.

Sara-Jane soupira une nouvelle fois en regardant sa montre. Il commençait à se faire tard, et elle était fatiguée par le voyage. Ils devaient aller jusqu’à l’hôtel où ils passeraient la nuit. Tôt le lendemain matin, il était prévu qu’ils partent en voiture pour la demeure familiale des Ortega, qui se trouvait à quelques centaines de kilomètres plus au sud. La jeune fille n’avait pas du tout envie de rester à traînailler dans cet aéroport mal climatisé… Surtout qu’elle devait encore imaginer par quel moyen elle allait semer Henry et Jack, qui attendaient stoïquement à côté du taxi qu’ils avaient hélé pour eux trois, puisque tout le monde ne rentrait pas dans le véhicule de Juan.

— Bon, on y va maintenant ! râla-t-elle.

— Mais bien sûr ! lui répondit Juan en relevant la tête avec un sourire qui parut faux à Sara-Jane.

 

***

 

Un long bain et un massage à l’huile d’argan plus tard, Sara-Jane se sentait de nouveau humaine, débarrassée de la poussière, de la sueur accumulées et de cette odeur d’aéroport qu’elle détestait depuis l’enfance, comme tous ceux qui prennent trop souvent l’avion.

Juan leur avait réservé de superbes suites voisines dans un hôtel de grand standing. La jeune fille ignorait où étaient logés ses gardes du corps et, à cet instant, s’en moquait. Dans la voiture, à force de supplications, elle avait obtenu que les deux hommes gardent secrète la présence de Juan – au moins pendant quelques jours. Elle s’était promis que Nell lui revaudrait ça.

Une fois habillée, après avoir appelé son père pour lui confirmer que tout se passait bien et avoir subi une nouvelle salve de recommandations concernant les règles de prudence à respecter, qu’elle écouta d’une oreille distraite, Sara-Jane sentit son humeur grincheuse revenir. Regardant sa montre – une très jolie Rolex offerte par ses parents pour ses dix-huit ans –, elle pesta. Elle devait retrouver Nell et Juan pour aller dîner dans le jardin tropical du restaurant, en face de la piscine, mais pas avant 20 heures. Or elle avait horriblement faim et ne comprendrait jamais cette manie des pays du Sud de manger si tard dans la soirée… Chez les gens civilisés, on dînait à 18 heures, au plus tard !

En attendant que le temps passe, Sara-Jane fit une razzia sur les crackers, cacahuètes, petits gâteaux et autres bonbons contenus dans son minibar, sans se préoccuper des prix. Après tout, n’était-elle pas invitée ? Elle alla picorer son butin en admirant la vue merveilleuse sur la mer ces Caraïbes dont elle disposait depuis son balcon.

Dépitée de devoir encore attendre presque vingt minutes, elle s’autorisa un verre de vin blanc d’une cuvée locale. Il était très bon, même s’il ne valait pas les vins français de la cave paternelle ou les crus californiens qu’affectionnait sa mère – vins que, du haut de ses dix-huit ans, elle n’aurait jamais pu goûter sans la complicité du cuisinier familial, un Français qui tenait à lui faire découvrir les bonnes choses et ne s’inquiétait guère des lois américaines.

La jeune fille venait de se servir son troisième verre quand Nell frappa enfin à la porte.

— Ah, quand même ! s’exclama Sara-Jane. Tu es en retard !

— Eh, cool ! Nous sommes en vacances, détends-toi.

À la différence de Sara-Jane, qui portait une robe de cocktail en lamé argent avec un petit sac Dior assorti à ses escarpins, Nell avait choisi un débardeur blanc à bretelles, tout simple, accompagné d’une longue jupe d’été fleurie et de tongs rose fluo.

Sara-Jane retint un commentaire désobligeant sur la tenue beaucoup trop décontractée de sa cousine. Elle avait beau savoir que ses moyens financiers étaient loin d’égaler les siens, elle considérait que Nell aurait pu tout de même faire l’effort d’être plus élégante pour une soirée dans un hôtel cinq étoiles avec son « fiancé ». Elles n’allaient pas à une beuverie estudiantine…

Ne voulant pas se fâcher pour un détail vestimentaire, Sara-Jane préféra ne rien dire et s’engagea dans le couloir après avoir refermé la porte de sa chambre.

— Où est Juan ?

— Il est parti devant pour nous trouver une table.

— Il n’avait pas réservé ? Génial, en plus nous allons devoir poireauter comme des gourdes au bar.

— Mais quel rabat-joie ! Tu sais que tu es pénible, des fois, avec ton attitude de princesse prout-prout ?

Vexée, Sara-Jane se tut. Il y avait d’autres Américains dans l’ascenseur – en plus de Jack et d’Henry, toujours fidèles au poste. Si l’une de ces personnes la reconnaissait, Sara-Jane risquait de faire la une des magazines, et elle ne voulait pas que la presse se gargarise d’un scandale provoqué par la fille d’un sénateur en vacances dans un pays étranger.

La jeune fille avait été élevée ainsi : elle savait qu’elle devait se montrer irréprochable en raison de la situation particulière de son père. Seulement, ce soir, la désinvolture de sa cousine l’exaspérait.

De son côté, Nell essayait, une fois de plus, de ne pas s’offusquer de l’attitude snob que Sara-Jane affichait de plus en plus souvent. Quant elles étaient des gamines inséparables, elle l’enviait, admirait ses manières et son port de reine mais, depuis quelque temps, sa cousine avait perdu ce charme naturel de l’enfance qui faisait qu’on lui pardonnait tout. Elle commençait à ressembler au stéréotype de la riche héritière américaine blonde aux yeux bleus, gâtée et capricieuse, qu’elle avait elle-même toujours craint de devenir. Nell en arrivait à se demander si l’emmener chez les parents de Juan était une si bonne idée.

Heureusement, le jeune homme avait déjà obtenu une table et Sara-Jane retrouva instantanément le sourire. Le repas fut exquis. Nell, aventurière, commanda des plats typiques qu’elle dévora avec appétit. Plus prudente, Sara-Jane se limita à la cuisine internationale pour laisser le temps à son estomac de s’habituer aux saveurs nouvelles.

Durant le dîner, Juan se montra un hôte disert, cultivé, intarissable sur son pays. La conversation fut des plus intéressantes pour Sara-Jane, passionnée d’histoire.

Après un succulent dessert, digne d’un palace, le jeune Mexicain proposa aux deux cousines de se rendre dans un club en vogue, à quelques rues de l’hôtel. Il leur décrivit l’endroit comme très à la mode. Le lieu attirait non seulement les touristes, mais aussi beaucoup de jeunes des familles aisées de la région.

Fatiguées, Sara-Jane et Nell hésitèrent un moment mais, face à l’insistance de Juan et à sa promesse de rentrer à une heure raisonnable, elles finirent par accepter. N’étaient-elles pas venues pour s’amuser et se détendre ? Elles auraient tout le temps de se reposer au bord de la piscine des parents du jeune homme…

— Mais il faut que nous nous débarrassions d’eux, fit remarquer Juan en désignant discrètement Henry et Jack qui se tenaient en retrait, près du bar. Ils vont tuer l’ambiance avec leur allure de croque-morts.

Sara-Jane hésita de nouveau. Le rôle de ses protecteurs était justement de l’accompagner dans ce genre d’endroit…

— Allez ! En plus, ça te fera une répétition pour demain, plaida Nell.

— Mais s’ils préviennent mon père…

— Alors croisons les doigts pour qu’ils ne se rendent compte de rien.

Face à leur insistance, Sara-Jane céda. Juan eut vite fait de concocter un plan imparable. Elle remonta dans sa suite avec son escorte ; le couple prétexta un dernier verre au bar pour ne pas les accompagner. Dès que ses gardes du corps lui eurent tourné le dos pour rejoindre leur propre chambre au bout du couloir, Sara-Jane se faufila dans l’escalier de secours, le cœur battant et les mains moites. Elle fut étonnée de la facilité avec laquelle elle arriva sans encombre au rez-de-chaussée, et put quitter l’hôtel en taxi sans être inquiétée.

Juan n’avait pas menti : la décoration du club où il les conduisit était soignée et ultra moderne. Le DJ – talentueux – jouait les dernières musiques en vogue aux États-Unis, et Sara-Jane constata avec plaisir que, là au moins, elle n’était pas la seule à avoir fait des efforts vestimentaires. Elle se fit la réflexion qu’elle se sentait cent fois plus à sa place dans ce genre d’établissement qu’à danser en maillot de bain au bord d’une piscine, au milieu de ses camarades de fac – complètement saouls pour la plupart, trop heureux d’avoir échappé à la surveillance parentale pour la première fois de leur vie.

Les deux cousines se mirent à danser et à s’amuser comme des folles dans cette ambiance festive, dont elles oublièrent qu’elle était réservée aux touristes et à une certaine jeunesse dorée .

Il devait être 2 heures du matin quand Sara-Jane, essoufflée, se rendit compte qu’elle ne voyait plus Nell nulle part, ni sur la piste ni sur les canapés disposés tout autour. Sans inquiétude, la jeune fille se dirigea vers le bar et commanda une nouvelle flûte de champagne. Amusée, elle se dit que sa cousine devait être en train de flirter dans un endroit discret avec son bel hidalgo.

Sara-Jane avala une gorgée du liquide frais et pétillant que le barman venait de lui servir. Un charmant jeune homme lui sourit.

Et sa tête se mit à tourner…

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